Une goutte d’encre de chine tombe dans une petite flaque d’eau étalée sur une plaque de céramique. L’encre se dilue au hasard des pentes, du niveau et de l’épaisseur de l’eau. Elle s’arrête de progresser aux limites de la flaque, pousse, épouse ou s’éloigne de son cadre d’origine. L’ensemble sèche en révélant les différentes durées d’évaporation, comme un long temps de pose photographique, ou la sédimentation des couches terrestres.
La plaque de céramique agit comme une sorte de pellicule, elle devient une surface sensible qui révèle une image abstraite et vaporeuse, construite à partir des effets physiques du temps: séchage, évaporation, quantité d’encre et d’eau, absorption, fixation ou diffusion des pigments. Fragile, cette image sans référent, oscille entre l’astronomique et le microscopique, entre les textures lunaires et organiques. Elle renvoie à une imagerie spatial ou biologique sans en être le point de départ.
Détachée de la représentation du réel, elle peut toutefois ramener à des réminiscences : l’évocation d’une figure, l’apparition d’une forme connue. Sorte d’invitation à la paréidolie, Après la pluie puise dans notre capacité à interpréter des signes dont la nature n’a pas de sens. Proche de l’origine des rêves décrite par Henri Bergson dans L’Énergie spirituelle (1919), on peut identifier des formes familières à partir de cette substance vague et imprécise, comme nos souvenirs, comme la fermeture de nos yeux qui produit les phosphènes, un mouvement abstrait sur notre rétine.
Après la pluie, carreaux de carrelage, eau, encre de chine, 30x40 cm, 2014 ; 2017.